[PortraiT]

SOPHIE LETA de l'atelier blanc renard Ceramics

Véritables haïkus de porcelaine, ses créations immaculées finement illustrées d’animaux invitent à la contemplation d’une nature paisible et de ses cycles saisonniers. 

Pour ce premier portrait de créateurs et créatrices inspirés par la faune et la flore, c’est Sophie Leta, artiste derrière l’atelier Blanc Renard Ceramics qui m’a fait le plaisir de répondre à quelques questions sur son métier de céramiste. Sophie nous raconte notamment sa reconversion inspirée et inspirante !

Entre rêverie et technicité, à la découverte de son univers glacé et glaçuré, voici l’interview-portrait de Sophie… 

 Sophie, si tu étais …

  • Un animal : tout le monde se dira « un renard », mais je me verrais plutôt comme une petite créature des bois : un écureuil, un loir ou encore un muscardin !
  • Un végétal : un champignon. 
  • Une saison : l’automne.
  • Une couleur : marron.
  • Une odeur : chocolat épicé !
  • Un objet : un carnet (j’en fais collection, c’est maladif…)
  • Une œuvre : « Le Vent dans les saules » de Kenneth Grahame et une oeuvre d’Alphonse Mucha.

Cliquez pour agrandir / Crédits photo : Sophie Leta

Sophie, peux-tu nous présenter ton travail en quelques mots ?

Je travaille principalement la porcelaine, c’est une terre magnifique, la seule qui soit blanc immaculé et qui possède une translucidité à la lumière. Bien entendu, comme toutes les divas, c’est une terre capricieuse, caractérielle et difficile. J’ai plusieurs techniques de façonnage et bien que j’ai appris à tourner sur le tour de potier à l’école, je n’utilise plus cette technique trop répétitive à mon goût. J’illustre toutes mes pièces à la main, en faisant à chaque fois des pièces uniques, car je ne reproduis pas mes illustrations. C’est un travail très long qui demande beaucoup de patience et de technique.

J’aime l’idée de ne pas faire de pièces en série, de m’attarder sur chacune d’entre elles et de prendre le temps.

À l’origine tu travaillais en tant que graphiste / illustratrice, comment en es-tu venue à la céramique ? Pourquoi avoir choisi ce médium ?

Je suis passionnée de dessin depuis l’enfance, j’ai toujours dessiné et je suis férue d’activités manuelles et de diverses techniques graphiques (sculpture, gravure, peinture… ). Logiquement, quand j’ai dû choisir quelles études suivre, j’ai essayé de trouver quelque chose « au plus proche » de ce que je voulais faire dans la vie : dessiner. À la sortie des études, je me suis dirigée vers le métier qui me semblait le plus logique et comme j’aime aussi beaucoup les livres, celui d’illustratrice de livres pour enfants. J’ai publié une dizaine d’ouvrages, des BDs, fait énormément de salons de dédicaces entre 22 et 30 ans (un moyen de voyager à peu de frais !).

Au fil des années je me suis aperçue que je n’arrivais pas vraiment à percer dans cet univers, j’avais un profil trop « artiste ». Mes peintures à l’aquarelle ne séduisaient pas les éditeurs pour qui il est plus facile de travailler en numérique. Je ne m’épanouissais plus et j’ai eu une grosse période de déprime. Je ne savais pas comment vivre de mes capacités graphiques. J’avais plusieurs cordes à mon arc que je n’arrivais pas à rentabiliser jusqu’à ce qu’une amie se mette à la céramique, un univers qui ne m’avait jamais intéressée. Quand j’ai vu ce qu’elle était capable de produire, la versatilité de ce médium, ça a été une sorte de révélation !  

Voilà une matière qui me permettrait de faire parler toutes les techniques artistiques qui me passionnent et avec laquelle je ne m’ennuierai jamais !

 À l’époque nous habitions Toulon avec mon compagnon, je me suis mise à la recherche d’une formation et je suis tombée sur la formation tournage de l’école de céramique d’Aubagne. Des fois dans la vie les choses s’emboîtent les unes dans les autres parfaitement… Mon diplôme en main, nous sommes installés dans les Hautes- Alpes (mon rêve d’enfance) et j’ai commencé ma nouvelle vie professionnelle. Il m’a fallu encore quelques années pour me trouver graphiquement, développer l’univers que j’ai aujourd’hui et commencer à en vivre ! 

Avec le recul, j’ai compris que je n’étais pas faite pour le métier d’illustratrice et qu’il ne faut pas hésiter dans la vie à parfois faire des sauts dans le vide quand on sent que quelque chose ne fonctionne pas. Ce sont des périodes d’incertitude difficiles, mais cela débouche très souvent sur du meilleur par la suite… 🙂

Où puises-tu ton inspiration ? Quelles sont tes influences artistiques ?

Je puise mon inspiration tous les jours dans la nature qui m’entoure. Bien sûr, j’ai été influencée par plusieurs artistes et courants artistiques, selon l’âge : de Disney à Ghibli, les univers de Jim Henson, puis plus tard par l’Art Nouveau, les artistes féeriques anglais (Brian Froud, Arthur Rakham… ), l’estampe japonaise, l’illustration naturaliste et ornementale… Et beaucoup que j’oublie !

Peux-tu nous décrire ton processus créatif pour la réalisation d’une pièce ?

Après son stade de façonnage qui varie selon la complexité de la pièce, je travaille chaque pièce une par une, comme une toile neuve chaque fois !

Je fonctionne le plus souvent à l’envie du moment « Qu’ai-je envie de dessiner ?

Mais il m’arrive aussi d’avoir des idées d’illustration que je note dans mes carnets pour les réaliser plus tard. Je travaille quasiment toujours avec des références photographiques, car bien qu’étant capable de dessiner de mémoire, le dessin est toujours plus convaincant et réussi avec une référence photo. 

Quant au temps nécessaire pour la finalisation d’une pièce, hormis le temps d’illustration en lui-même qui peut varier de 15 minutes à 5 heures pour les pièces les plus grandes, il faut ajouter le façonnage en amont, l’essuyage, l’enfournement(s), l’émaillage, la pose des lustres d’or… En tout, je pense que mes pièces les plus « rapides » à produire me prennent 30 minutes et quant aux plus longues, plus de 6 heures.

Nombre de tes modèles sont façonnés à la main, pourquoi ce parti pris ? 

Je ne façonne pas toutes mes pièces « à la main ». La plupart sont façonnées via un mélange de coulage (on verse de l’argile liquide dans des moules en plâtre) et de façonnage manuel. Le coulage me permet un certain confort et une rapidité de production, car je passe déjà énormément de temps sur le décor. 

Cela dit j’aime modeler certains types de pièces entièrement à la main pour leur rendu « organique ». C’est un travail qui s’apparente à de la sculpture,

 cela donne des formes toujours différentes et le plaisir de « patouiller » la terre ! Cela dépend beaucoup des périodes et de mes envies du moment.

Tu utilises une gamme chromatique relativement restreinte, y a-t-il une raison particulière ?

Plusieurs en fait. 

En premier, c’est un choix artistique « less is more » comme disent les Anglo-saxons. Mes motifs ont plus de force avec une couleur + une « tonique » (généralement l’or dans mon cas). Je travaille principalement en bleu indigo, car c’est ma couleur préférée. 

En second lieu, pour une question technique. Je passe déjà énormément de temps sur mes pièces. Plusieurs couleurs voudraient dire un temps de travail deux à trois fois plus long, des tests en pagaille pour voir si toutes les couleurs résistent aux hautes températures de cuisson (1230°)… et des prix multipliés d’autant ! 

Ton travail montre une typologie très variée de pièces, quelles sont celles que tu aimes particulièrement réaliser ?

J’aime varier ma production en fonction des moments pour ne pas m’ennuyer. Je crois que l’objet que je préfère faire est le mug, car il y a souvent une grosse charge affective derrière cette pièce. C’est le compagnon de tous nos moments de détente et de réconfort.

Qu’est-ce qui guide tes choix d’animaux et de végétaux que tu représentes sur tes pièces ?

Mon univers est centré sur les créatures qui peuplent nos forêts : renards, écureuils, loirs, loups, ours… mais je ne m’interdis pas de faire des petites « sorties » maritimes, surtout en été, car je suis née près de la mer !

Cliquez pour agrandir / Crédits photo : Sophie Leta

Le 31 octobre dernier, tu as sorti la « Sombre Collection », peux-tu nous parler un peu plus de ce projet ?

La Sombre Collection est née de plusieurs choses : à l’origine j’avais réalisé des illustrations en Noir & Blanc & Or pour Inktober 2021. Une cliente m’a demandé de reproduire une des illustrations sur un mug. J’ai trouvé le rendu de dessin blanc sur fond noir assez intéressant, sombre et élégant, parfait pour une collection thématique pour le mois d’octobre !

Je suis très sensible aux passages des saisons, à leur ambiance respective. Mon travail reflète souvent la période à laquelle je crée mes pièces : 

des loutres s’égayant dans l’eau en été, des fleurs au printemps… Et bien sûr de la neige et des flocons en hiver ! C’est vrai que de par mes couleurs et mon inclination naturelle, mon travail fait le plus souvent penser à une féerie hivernale, mais j’essaie de varier ! Je n’aime pas rester fixe bien longtemps. 

La Sombre Collection refera sûrement son apparition l’année prochaine, ainsi que d’autres mini-collections thématiques ! Je prévois par exemple une collection sur les bêtes mythologiques pour l’an prochain.

Y’a-t-il une création dont tu es particulièrement fière ?

Je ne me fixe pas sur une pièce en particulier. Parfois, je sors des pièces du four et je me dis « Ah waouh ! », car il arrive que certaines pièces soient particulièrement réussies. Ce n’est pas une chose qu’on contrôle, le feu a toujours son mot à dire ! Sur mes pièces il y a généralement trois cuissons : à 950°, 1230°, 820°C. 

À chaque stade il peut y avoir des accidents, des défauts, des pièces qui finissent à la poubelle car fendues, inutilisables. C’est aussi une facette du métier de céramiste, c’est un métier technique.

Peindre et dessiner sur la terre, ce n’est pas comme peindre et dessiner sur du papier.

Question bonus : Blanc Renard Ceramics, y’a-t-il une histoire derrière ce nom ?

Quand je me suis inscrite au registre des métiers pour commencer à exercer professionnellement, mon atelier s’appelait « Le Terrier du Renard Blanc », le renard étant mon animal totem. Mon univers est assez hivernal et travaillant la porcelaine, l’un dans l’autre… Je ne sais plus quand j’ai décidé de changer pour la tournure inversée « Blanc Renard » qui a un côté très conte. Le slogan a suivi naturellement « Un conte de porcelaine », comme je dis parfois dans la vie, les choses s’emboîtent d’elles-mêmes !

Merci Sophie !

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Visitez sa boutique sur son site internet : https://sophieleta.com 

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